Lionel Picard, Président d’ECO’RING de 2013 à 2023 et Karine Thiollier, nouvelle Présidente d’ECO’RING - En quelques mots...

Au fil de cette interview, ces acteurs de l’économie circulaire, nous font découvrir leur univers en quelques mots. TEAM2 remercie Lionel PICARD et Karine Thiollier, de s’être prêtés à cet exercice.

 

 PRÉSENTATION.

« Je suis Karine Thiollier, je travaille chez Eco’Ring depuis 2015. J’ai été directrice administrative et financière dans plusieurs entreprises depuis le début de ma carrière, puis chez VALDI, dans le traitement et la valorisation des déchets, pendant 15 ans et enfin chez ECO’RING où j’occupe cette fonction depuis 2015. J’ai par ailleurs repris la Présidence d’ECO’RING en juin 2023. »

« Je suis Lionel Picard. Dans mon passé, j’ai travaillé dans des fonderies d’acier. En 1997, après deux années de R&D (Recherche et Développement), nous avons créé la société VALDI à Feurs (42) en partant de zéro puis nous avons repris une deuxième usine, à côté de Limoges (87). En 2010, nous avons été rachetés par le groupe ERAMET, VADI comptait alors 110 personnes pour 25 millions d’euros de chiffres d’affaires. En 2013, je suis parti et j’ai créé la société Eco’Ring pour faire de la valorisation de déchets contenant des métaux et du carbone. Nous avons traité des piles, des catalyseurs de la pétrochimie et des déchets provenant des aciéries, du traitement de surface, etc. On a d’ailleurs travaillé avec pas mal d’industries de la Région Hauts-de-France tels que Recytech, Befesa, Recyco et d’autres. Et nous continuons de travailler avec eux. »

 

PARCOURS.

Karine Thiollier : « Je suis tombée dans le monde du déchet un peu par hasard. Quand je suis entrée chez VALDI en 2000, c’était plus une opportunité, un poste intéressant. Par contre, ça m’a bien plu, j’y suis finalement restée 15 ans, jusqu’à ce que le site ferme, et j’avais vraiment envie de continuer cette aventure chez Eco’Ring, où nous sommes une structure beaucoup plus petite. Aujourd’hui on est 9, dont 4 associés. L’économie circulaire, la RSE, sont des sujets importants pour moi et les modalités d’actions s’avèrent plus fortes dans ce type de structure que dans un groupe, nous pouvons réellement piloter ces aspects-là. J’ai toujours aimé l’industrie et ce croisement entre les domaines de l’industrie et de l’environnement, c’est vraiment quelque chose que j’ai souhaité poursuivre et même de manière un peu plus active en prenant des fonctions d’associée puis de présidente aujourd’hui. »

Lionel Picard : « Moi, j’ai commencé ma carrière dans un centre de recherche sur les alliages, avec une bonne problématique associée au recyclage des chutes d’aluminium, de lithium. Puis j’ai travaillé dans une fonderie d’acier, à côté de Saint-Etienne. En 1990, il y a eu l’annonce de la fermeture du crassier de proximité dans laquelle la fonderie envoyait à peu près 45 000 tonnes de déchets (des sables, des laitiers, des poussières, etc.), ce qui posait un gros problème à la fonderie. Nous avons donc lancé un programme Eureka avec des partenaires belges, allemands, anglais et les 45 000 tonnes sont devenues 12 000 tonnes en sortie d’usine le 1er janvier 1995. 12 000 tonnes ont été revalorisées et 2 000 tonnes mises en décharge. Suite à ce parcours, qui m’a bien plu et sur lequel nous avons particulièrement bien réussi, j’ai proposé au groupe de fonderies de continuer l’aventure. Il fallait quand même prêter le four de fusion, c’était un four de 5 à 7 tonnes, avec deux fondeurs pour tester des développements d’activités nouvelles. Pendant deux ans, on a fait de la R&D, ensuite j’ai proposé au groupe de créer une activité pour valoriser des déchets contenant des métaux. Le groupe a accepté et on a créé VALDI. »

 

ECONOMIE CIRCULAIRE.

Lionel Picard : « Depuis 1990, je ne fais que ça. Dans l’esprit des industriels, le recyclage c’est quand même une façon de réaliser beaucoup d’économies. Recycler de la matière et l’économiser à la source, c’est une source d’économies. Et en ce qui concerne la fonderie, dans les années 90 à 95, ce n’était même pas une question d’économie mais une question de survie. Le recyclage ça a toujours été quelque chose de bien annoncé, supporté moyennement mais annoncé certes, non ? Avec tout un tas de modalités économiques qui ont été mises en place, en particulier la TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes), ça n’existait pas, ça s’est mis en place et ça s’accroit. Et puis maintenant, il y a des crédits carbones, tout ça, ça a mis beaucoup de temps à se mettre en place mais maintenant ça y est. »

 

ENJEUX ET EVOLUTIONS.

Lionel Picard : « Les enjeux ce n’est pas compliqué, ce sont les enjeux de la planète. Il y a déjà pas mal de choses de faites. D’un point de vue réglementaire et économique, il y a quand même des choses en place qui sont motivantes en particulier la TGAP et les crédits carbones. Ça c’est déjà un premier point qui est plutôt positif par contre le point négatif c’est qu’en Europe on n’a pas d’industrie. En termes de raffinage des métaux il n’y a pas grand-chose. »

Karine Thiollier : « Et à l’inverse, aujourd’hui la volonté européenne de réindustrialiser, de garder les ressources c’est quand même un élément très moteur pour le recyclage des métaux. Il y a encore beaucoup à faire, c’est à la fois très motivant et vraiment vital pour notre économie aujourd’hui, que ce soit en termes d’indépendance au niveau des métaux ou pour se protéger des effets d’inflation des prix ou de spéculation. On sent quand même qu’on participe à des enjeux qui ne sont pas que des enjeux économiques mais bien des enjeux plus globaux, « planétaires ». Et qui rejoignent des convictions personnelles : ça me met plus en joie de me lever le matin pour aller participer à l’économie circulaire plutôt qu’à la production de glyphosate ! »

Lionel Picard : « Il existe un certain nombre de dispositions réglementaires en place, en particulier dans la mise en décharge qui repose sur un test de lixiviation en termes d’acceptation (c’est une mise en solution éventuelle de matières organiques ou de métaux qui traduit d’une acceptation oui ou non en décharge). Le problème c’est que quand on fait un test de lixiviation, on est absolument aveugle, par rapport à la première étape de composition chimique des déchets donc aujourd’hui il y a des milliers et des milliers de tonnes de déchets qui sont acceptées en décharge sans une bonne connaissance de la composition chimique réelle de ces déchets. Ça ce n’est vraiment pas normal ! D’un point de vue règlementaire, il devrait y avoir une obligation de connaitre la véritable composition chimique des déchets, d’abord par les producteurs, ça pourrait ouvrir à d’autres horizons en termes de valorisation. »

 

CONSEILS.

Lionel Picard : « Il faut connaître un peu la table de Mendeleïev, avoir bonne connaissance en chimie, des matériaux et de la métallurgie. »

Karine Thiollier : « Et une bonne dose de curiosité aussi pour avoir les moyens et l’envie d’aller vers des solutions nouvelles parce que finalement il y a beaucoup de choses à inventer dans le recyclage de déchets et ça part souvent d’idées un peu innovantes et ces idées innovantes c’est souvent la curiosité qui nous y amène. Envie de creuser, de créer des chemins qui ne sont pas forcément créés aujourd’hui. Être en capacité de s’adapter aux déchets qu’on a et être toujours assez agile par rapport à leur évolution. »

 

FILIÈRE.

Karine Thiollier : « Je participe actuellement à un accélérateur « transformation et valorisation des déchets » de la BPI et c’est impressionnant de voir les différences de taille et d’origine sectorielle des sociétés de recyclage. Finalement le recyclage il y en a dans tous les domaines, ça va des bios déchets aux déchets du bâtiment, etc. C’est une filière très diverse, enfin moi en tout cas, j’ai découvert une diversité que je n’avais pas forcément en tête au début. Et c’est non seulement vaste mais en devenir. »

Lionel Picard : « C’est un peu complexe quand même dans notre domaine du recyclage des métaux. Du fait de la non-stabilité, de la composition chimique des déchets et gare aux filières de recyclage, ça peut marcher un moment avec des cours des métaux élevés et puis le lendemain ça ne marche plus. La teneur ou la composition chimique, ça c’est un écueil. »

 

OBJECTIFS.

Karine Thiollier : « Dans nos objectifs à moyen terme, il y a clairement chez Eco’Ring la volonté de mettre en place quelques nouvelles filières de valorisation, d’étoffer notre offre. »

Lionel Picard : « Développer des filières nouvelles et réussir notre gros projet UGI’RING, la création d’une usine d’une capacité de 50 000 tonnes, sur lequel on est lancés avec une grosse aciérie : UGITECH. UGI’RING va recycler 100% des déchets d’UGITECH : tous les déchets de l’aciérie vont rentrer dans cette activité et comme c’est une société qui produit des inox, elle consomme du nickel, du chrome, du molybdène. C’est pourquoi on va rattacher à cette grande autoroute des déchets de l’aciérie de multiples filières qui produisent des déchets contenant du nickel, du chrome, du molybdène. »

Karine Thiollier : « UGI’RING c’est le nom du projet et de la société commune qu’on a créée avec UGITECH, qui est vraiment le plus gros acteur, en tant qu’industriel. Nous on est là en apport d’idées, de conseils et de procédés. »

Lionel Picard : « Et l’objectif serait pour UGITECH de couper grosso modo 90% de ses achats de matières neuves, nickel, chrome, molybdène. »

 

Date de publication : 20 décembre 2023